Comptine d’hiver
Hier, je suis allée au restaurant, un restaurant chic, aux mille spécialités marocaines.
Un ami m’y avait invitée, et nous n’y étions encore jamais allés.
Au cours du repas, un homme entre dans la salle. Seul, sans âge, fruste jusque dans ses frusques, il demandait quelques sous.
Mon ami me regarde, j’acquiesce en silence, il est des choses dont le cœur connaît les sentes les plus rares, sans qu’on ait besoin de prononcer un mot.
Je tire la chaise et invite l’homme à venir s’asseoir à notre table. Il hésite, et accepte, sans un mot, juste étonné.
Le patron regarde la scène. Il ne dit rien non plus, et apporte un autre couvert.
Emplis de respect, nous ne souhaitons pas contraindre cet homme à nous parler, il est dans son silence, mais semble heureux, comme il ne l’a pas été depuis longtemps peut être.
Le patron lui apporte un grand plat de couscous, et quantité d’autres mets, l’invitant d’un sourire, à manger à satiété.
Nous continuons notre dialogue, jetant parfois quelques coups d’œil complices à notre invité, qui mange comme quatre, heureux de trouver une si bonne table en ces temps de froidure.
Puis, comme pour s’excuser, il nous regarde, esquisse un sourire timide, se lève et se rhabille, et file vers la porte sans se retourner, sans un mot prononcé.
Son assiette est vide, seul son verre est resté plein.
Le patron vient débarrasser la place du convive, et nous finissons tranquillement la soirée, au milieu des rires et de l’alcool de figue.
Au moment de payer, mon ami sort son portefeuille et demande l’addition.
Le patron revient. Dans la coupelle il n’y a que quelques loukoums, une petite rose des sables, et pas de trace de note.
Surpris nous le regardons.
Il nous dit avec un sourire :
- Chez nous, on accueille toujours celui qui a faim, ici je ne l’ai encore jamais vu faire. Qu’Allah vous garde, ce soir vous étiez tous les trois mes invités.
Et il nous serre la main, nous remerciant d’être venus le voir.
Mille bises
Joyeux Noël
Gaëlle