Arpentes et songes
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Arpentes et songes

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 Ah mer, tu m'es terrée !

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Gaëlle
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Nombre de messages : 225
Localisation : Vercors et Brocéliande
Date d'inscription : 20/03/2005

Ah mer, tu m'es terrée ! Empty
MessageSujet: Ah mer, tu m'es terrée !   Ah mer, tu m'es terrée ! EmptyMar 27 Déc à 3:39

Tout est blanc, un blanc soyeux, un blanc uni comme un sein sublimé par la touche du peintre, comme le lait de mon enfance, sur lequel je soufflais pour faire frissonner la crème.
Blanc seing extatique, qui ordonnance le monde depuis la nuit des temps. Flocons charnus, joufflus, froids et distraits, qui tombent en alternance, apprentis sorciers éphémères, qui changent l’aspect des choses familières, en quelques instants, transformant les champs noirs en lacs scintillants, les arbres tourmentés en fresques sublimes et fragiles, toutes ourlées de givre.

Je regarde ma rose, elle n’est plus que l’ombre d’elle même.
Surprise à son réveil par le froid polaire, elle est restée saisie, comme anéantie, glacée d’effroi pour l’éternité, dans sa gangue immaculée et fraîche qui saura, pourtant, la faire perdurer.

Eternelle revanche de la vie sur la mort, le temps passe, le vent ploie les dernières branches, arrachant les dernières feuilles, et arrivent les premiers flocons.

Le noir s’incline soudain, terrassé par le blanc limpide, qui semble se jouer des aspects tourmentés de nos jours passés, refaisant le monde à sa façon, façonnant en délicates sculptures de givre et de glace, les paysages ainsi transformés, tout épris d’une nouvelle jeunesse, et craquant sous le fardeau nouveau des premières neiges, lourdes et mouillées.

Parfois une pomme rouge arrive encore à percer ce drôle de linceul, touche vive, ultime appel, comme une dernière tentation, ultime dérision.

Un vent glacé s’acharne sur les pierres des vieux murs, défaisant les anciennes jointures, et ouvrant quelques nouvelles sentes escarpées à son fidèle allié nocturne : le gel.

Demain quelques pierres disjointes rouleront sur les contreforts de mes peines, comme autant de bises glacées qui n’arrêteront plus mes larmes amères.

Demain il gèlera encore, et mon cœur endurci cherchera un ailleurs, un sourire, une halte apaisante, enfin, du moins est ce ainsi que je le pense.

Mais parfois, la vie en décide tout autrement !

Le vent redouble, quelques broussailles arrachées gisent inertes sur les rocailles hasardeuses des sentiers de mulets.
Puis d’un vigoureux coup de rein, il s’empare d’elles et les fait tournoyer sous le ciel mat de cette Provence engourdie, jusqu’au tronc altier et séculaire d’un vieil olivier, qui, recroquevillé sous les ruades givrées, ne sent plus les coups de froid, sur son écorce transie.

Juste le temps d’échanger un baiser, repris par les caprices de cette bise, il reprend sa course folle, espérant trouver sur sa route un véritable pilier auquel s’amarrer.

Tout est gris, d’une blancheur sale, comme passée, oubliée, altérée.

Je regarde la route sinueuse qui dévale la garrigue, et s’enfonce là bas vers les plages amères, et les flocons transparents qui tourbillonnent et s’acharnent, et la vieille bergerie, qui n’accueille plus rien, et mes espoirs perdus, qui dansent au son d’un quadrille, ululant comme ces chouans, amoureux de leur terre, révoltés des révolutions.

Silence de mort, plus rien ne transparaît sous l’opaque brume gelée, qui dérive en volutes nébuleuses, comme autant de nuées de charognards affamés, qui hantent mes derniers instants.

Le toit de la vieille grange vient de céder sous le poids de la neige.

Plus de Noël, plus rien, que le silence pesant de ce reste de lune, surpris de se voir encore mirer par l’immense étendue blanche.

Plus rien que le vent qui s’acharne, et mes larmes qui roulent sur le petit mur de pierres sèches, il sait que je vais venir, plus rien ne me retient, seul le vent me griffe encore les côtes.

Délicatement j’arrache ma rose, ses épines s’accrochent et m’écorchent, je l’embrasse tendrement, il n’y a plus de prince charmant.

J’avance, seule, absolue, comme éthérée dans ce désert trop blanc, trop beau, trop pur, et mes pieds nus, rougis par la froidure, s’enfoncent dans la neige déjà dure.

Je passe le petit pont, trois fois rien, juste quelques ronds dans l’eau.

Le vent redouble, la neige l’escorte, et le gel, fidèle bataillon, finira la besogne, m’enfermant à jamais dans une gangue de nacre, qui ne s’écoulera qu’au printemps peut être, s’il est encore temps.

Apaisantes secondes au seuil de mes éternelles turpitudes, l’enfer m’a déjà ouvert ses portes.

Je me sens bien, les yeux ouverts, je regarde ces milliers de bulles qui m’encerclent et m’escortent, dans un silence pesant.

Je sens mon corps s’enfuir, et mon âme, bien en peine, cherche encore à retenir le reste de vie qui sommeille tout au fond de mes prunelles.

Je souris, je l’aimais tant, je vais peut être enfin le retrouver.

Je ne vois plus de bulles, je ne sens plus rien, qu’un halo blanc, serein, absolu, luminescent.

Quelques dernières images de lui, son sourire, son regard ses lèvres qui me frôlent. Frissons d’amour, plus rien ne compte autour, chéri je te rejoins enfin, je t’aime à en mourir.

Carcasse crevée, je ne suis plus qu’une ombre, dans les nuées éthérées de mes derniers sentiers.

Par delà nos morts il y a nos certitudes, et au delà d’elles, encore, il n’y a plus rien.

Je ne t’ai jamais retrouvé, je ne suis plus rien, j’ai oublié mon destin.

Ne vous laissez pas berner par la beauté surfaite des étendues neigeuses, de ce linceul immaculé.
L’enfer qu’il cache, est toujours aussi noir.

Adieu donc, A Dieu !

Mille bises

Gaëlle
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